En septembre 2014, le PDG de Virgin, Richard Branson, annonçait au monde entier qu’il offrait des congés illimités à ses salariés et cela même sans avoir besoin de prévenir leur manager. Le buzz fut mondial et beaucoup d’encre a coulé à ce sujet. Si d’autres sociétés américaines de la Silicon Valley avaient initié l’idée depuis 2004 comme la société NETFLIX, aucun groupe de cette taille n’avait osé ce concept.
Cet « avantage employeur » est-il applicable en France et si oui avec quel résultat ? Cet été, les journalistes de France 2 ont enquêté sur le sujet et ont interviewé STATIM RH pour avoir un avis RH objectif.
Visionnez le reportage par France2
ANALYSE
La genèse
Les start-ups de la Silicon Valley ont toujours eu du mal à recruter certains talents qui permettent de créer la différence concurrentielle et parfois certaines entreprises et d’excellents projets ont coulé faute de main d’œuvre qualifiée. Mais dans un pays où le « Code du Travail » est le principe de l’emploi et du licenciement « at will » et avec seulement 180 lois fédérales définissant les droits du salarié( contre 11 000 pour la France), les entreprises avaient les coudées franches pour imaginer des avantages sans être contraintes par des règles comme en France.
Ainsi, il n’y a pas de nombre de jours de congés payés fixé par la loi aux Etats-Unis. C’est à la décision de l’employeur et dans les faits 56 % des americains ne prennent pas de vacances ! La moyenne est de 9 jours pour 90 % des salariés (8j pour les salariés du secteur privé et 11j pour les fonctionnaires). Alors qu’en France, nous pouvons prendre au moins 21 jours d’absence payés pour des évènements familiaux (naissance, dèces, mariage…), les américains n’ont au mieux que 2 jours pour un événement personnel et 8 jours pour la maladie (mais cela concerne une minorité de travailleurs)
Comment donc attirer les talents si vous êtes un CEO à San José? Annoncez-leur que vous leur offrez des congés illimités pour leurs vacances ou affaires personnelles (ou même 25 jours pour Google aux USA) et vous serez sûr d’avoir un maximum de candidatures et de rétention de talents. Ce type d’avantages étant très peu courant, vous êtes sûr de faire la différence pour votre marque employeur. Bien entendu, vous resterez toujours dans la possibilité de les licencier du jour au lendemain s’ils ne vous conviennent pas (impossible en France). Par conséquent, vos collaborateurs s’assureront que leur travail est réalisé dans les temps, assureront un back-up de qualité pour ne pas pénaliser l’équipe et enchaîneront les heures sans regarder l’horloge pour être certains de conserver la place et qu’elle ne soit pas prise par d’autres (Pour info: Google reçoit 3 000 000 de candidatures/an contre 7 000 ouvertures de poste). Bref, offrez plus de bien être afin d’augmenter la productivité de vos collaborateurs.
Accouplez ces congés à d’autres avantages et vous serez sûr de garder les meilleurs, les plus autonomes et d’avoir leur motivation au top en permanence. Ce pari a fonctionné pour ces entreprises.
Et en France ?
Paradoxalement, les Français sont très bien lotis au niveau congés avec la singularité des 35H qui vient rajouter des RTT ainsi qu’un nombre très important de jours payés pour événements familiaux. Sans aller jusque de l’autre côté de l’Atlantique, nos voisins Belges nous envient la 5e semaine de congés payés obtenue en 1982 et sont toujours surpris de nos revendications d’en vouloir toujours plus. Mais comme certaines entreprises françaises peinent à recruter certains talents, la question se pose quand même: doit-on offrir oui ou non des congés illimités à nos collaborateurs ?
Voici la synthèse des avantages et inconvénients :
Avantages
- Engagement et fidélité des salariés envers l’entreprise
- Attractivité dans un secteur où les profils sont pénuriques pour créer la différence
- Création d’un esprit d’équipe responsable
- Responsabilisation du collaborateur pour la gestion de son travail
- Innovation
- Message de confiance envoyé par la Direction
- Encouragement à faire plus d’heures pour terminer les projets dans les temps grâce à la « carotte » du repos
Inconvenients
- Illégal. Les horaires et les congés sont encadrés par le Code du Travail et les Conventions Collectives
- Les congés « illimités » non pris devraient être payés au départ du collaborateur pour son solde de tout compte
- Risque de disparité entre les collaborateurs et de tensions
- Les collaborateurs se doivent d’augmenter leur temps de travail hebdomadaire en contrepartie (horaires supplémentaires payées selon le Code du Travail)
- L’absence crée une surcharge de travail pour l’équipe qui assure le back-up. Trop de prise de congés va créer des frustrations entre ceux qui vont en profiter et ceux qui vont se limiter au légal
- Comment justifier une non-atteinte des objectifs par défaut de présence si un collaborateur prend trop de congés avec l’accord tacite de son employeur
- Difficulté d’organisation et de répartition du travail pour les manageurs en l’absence de règles.
- Coût pour l’employeur pour chaque jour d’absence
CONCLUSION
Il est donc en définitive fortement non recommandé de mettre en place un système de congés illimités alors que nous vivons dans un pays où nous ne sommes pas à plaindre. Pour rappel, les salariés américains bénéficiant de congés illimités prennent en moyenne 2 semaines de congés , nous sommes donc loin de l’Eldorado annoncés et quand à VIRGIN, seulement 170 salariés furent concernés sur les 50 000 que compte le groupe…
Une solution alternative pratiquée par les entreprises qui offrent de la souplesse à leurs collaborateurs consiste à ne pas décompter ½ journée de travail en cas d’absence pour aller chez le médecin, prendre un train ou pour aller récupérer plus tôt les enfants à l’école. Ces temps de “congés supplémentaires” deviennent alors situationnels et non plus contractuels. Les risques sont alors ultra-limités et les collaborateurs français sont d’autant plus reconnaissants envers leur employeur de ne pas perdre leurs “chers” congés pour des situations non plaisantes.
Autre idée :
Dans certaines entreprises, les collaborateurs bénéficient d’une journée de repos par mois, en plus des éventuels jours de RTT. Cette journée de repos n’est pas reportable et doit être prise le mois considéré. Cela représente un avantage non négligeable en permettant aux salariés d’avoir, par exemple, un week-end de 3 jours par mois ou bien de terminer le vendredi midi 2 fois par mois.
En attendant, certaines entreprises aux Etats-Unis sont forcés de faire machine arrière. Un bon avertissement à prendre en compte…